Page:Anatole France - Thaïs.djvu/233

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— Ne penses-tu pas, mon père, ajouta-t-il, que je dois m’enfoncer dans le désert, afin d’y accomplir des travaux extraordinaires et d’étonner le diable par mes austérités ?

— Je ne suis qu’un pauvre pécheur, répondit Palémon, et je connais mal les hommes, ayant passé toute ma vie dans ce jardin, avec des gazelles, de petits lièvres et des pigeons. Mais il me semble, mon frère, que ton mal vient surtout de ce que tu as passé sans ménagement des agitations du siècle au calme de la solitude. Ces brusques passages ne peuvent que nuire à la santé de l’âme. Il en est de toi, mon frère, comme d’un homme qui s’expose presque dans le même temps à une grande chaleur et à un grand froid. La toux l’agite et la fièvre le tourmente. À ta place, frère Paphnuce, loin de me retirer tout de suite dans quelque désert affreux, je prendrais les distractions qui conviennent à un moine et à un saint abbé. Je visiterais les monastères du voisinage. Il y en a d’admirables, à ce que l’on rapporte. Celui de l’abbé Sérapion contient, m’a-t-on dit, mille quatre cent trente-deux cellules, et les moines y sont divisés en autant de légions qu’il y a de lettres