Page:Anatole France - Thaïs.djvu/248

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rant partout, pour offrir des dattes fraîches.

Et tous ces êtres divers s’étouffaient sous le ciel blanc, dans un air épais, chargé du parfum des femmes, de l’odeur des nègres, de la fumée des fritures et des vapeurs des gommes que les dévotes achetaient à des bergers pour les brûler devant le saint.

La nuit venue, de toutes parts s’allumaient des feux, des torches, des lanternes, et ce n’étaient plus qu’ombres rouges et formes noires. Debout au milieu d’un cercle d’auditeurs accroupis, un vieillard, le visage éclairé par un lampion fumeux, contait comme jadis Bitiou enchanta son cœur, se l’arracha de la poitrine, le mit dans un acacia et puis se changea lui-même en arbre. Il faisait de grands gestes, que son ombre répétait avec des déformations risibles, et l’auditoire émerveillé poussait des cris d’admiration. Dans les cabarets, les buveurs, couchés sur des divans, demandaient de la bière et du vin. Des danseuses, les yeux peints et le ventre nu, représentaient devant eux des scènes religieuses et lascives. À l’écart, des jeunes hommes jouaient aux dés ou à la mourre et des vieillards suivaient dans