Page:Anatole France - Thaïs.djvu/25

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neste mille fois que la joie. Frère Paphnuce, je ne suis qu’un malheureux pécheur ; mais j’ai éprouvé dans ma longue vie que le cénobite n’a pas de pire ennemi que la tristesse. J’entends par là cette mélancolie tenace qui enveloppe l’âme comme une brume et lui cache la lumière de Dieu. Rien n’est plus contraire au salut, et le plus grand triomphe du diable est de répandre une âcre et noire humeur dans le cœur d’un religieux. S’il ne nous envoyait que des tentations joyeuses, il ne serait pas de moitié si redoutable. Hélas ! il excelle à nous désoler. N’a-t-il pas montré à notre père Antoine un enfant noir d’une telle beauté que sa vue tirait des larmes ? Avec l’aide de Dieu, notre père Antoine évita les pièges du démon. Je l’ai connu du temps qu’il vivait parmi nous ; il s’égayait avec ses disciples, et jamais il ne tomba dans la mélancolie. Mais n’es-tu pas venu, mon frère, m’entretenir d’un dessein formé dans ton esprit ? Tu me favoriseras en m’en faisant part, si toutefois ce dessein a pour objet la gloire de Dieu.

— Frère Palémon, je me propose en effet de glorifier le Seigneur. Fortifie-moi de ton con-