Page:Anatole France - Thaïs.djvu/265

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nées terrestres de l’idolâtre dont le corps repose ici sous mes pieds, au fond d’un puits, dans un cercueil de basalte noir. Elles rappellent la vie d’un mort et sont, malgré leurs vives couleurs, les ombres d’une ombre. La vie d’un mort ! Ô vanité !…

— Il est mort, mais il a vécu, reprit la voix, et toi, tu mourras, et tu n’auras pas vécu.

À compter de ce jour, Paphnuce n’eut plus un moment de repos. La voix lui parlait sans cesse. La joueuse de cinnor, de son œil aux longues paupières, le regardait fixement. À son tour elle parla :

— Vois : je suis mystérieuse et belle. Aime-moi ; épuise dans mes bras l’amour qui te tourmente. Que te sert de me craindre ? Tu ne peux m’échapper : je suis la beauté de la femme. Où penses-tu me fuir, insensé ? Tu retrouveras mon image dans l’éclat des fleurs et dans la grâce des palmiers, dans le vol des colombes, dans les bonds des gazelles, dans la fuite onduleuse des ruisseaux, dans les molles clartés de la lune, et, si tu fermes les yeux, tu la trouveras en toi-même. Il y a mille ans que l’homme qui dort ici, entouré de bandelettes