Page:Anatole France - Thaïs.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les eaux claires. Heureux celui dont l’âme est un vase scellé ! Heureux qui sut se rendre muet, aveugle et sourd et qui ne comprend rien du monde afin de comprendre Dieu !

Zozime, ayant médité ces paroles, y répondit de la sorte :

— Père vénérable, il convient que je t’avoue mes péchés, puisque tu m’as montré ton âme. Ainsi nous nous confesserons l’un à l’autre, selon l’usage apostolique. Avant que d’être moine, j’ai mené dans le siècle une vie abominable. À Madaura, ville célèbre par ses courtisanes, je recherchais toutes sortes d’amours. Chaque nuit, je soupais en compagnie de jeunes débauchés et de joueuses de flûte, et je ramenais chez moi celle qui m’avait plu davantage. Un saint tel que toi n’imaginerait jamais jusqu’où m’emportait la fureur de mes désirs. Il me suffira de te dire qu’elle n’épargnait ni les matrones ni les religieuses et se répandait en adultères et en sacrilèges. J’excitais par le vin l’ardeur de mes sens, et l’on me citait avec raison pour le plus grand buveur de Madaura. Pourtant j’étais chrétien et je gardais, dans mes égarements, ma foi en Jésus