Page:Anatole France - Thaïs.djvu/284

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marchait à pas lents, mais sa taille était droite encore et l’on sentait en lui les restes d’une force surhumaine. Sa barbe blanche s’étalait sur sa large poitrine, son crâne poli jetait des rayons de lumière comme le front de Moïse. Ses yeux avaient le regard de l’aigle ; le sourire de l’enfant brillait sur ses joues rondes. Il leva, pour bénir son peuple, ses bras fatigués par un siècle de travaux inouïs, et sa voix jeta ses derniers éclats dans cette parole d’amour :

— Que tes pavillons sont beaux, ô Jacob ! Que tes tentes sont aimables, ô Israël !

Aussitôt, d’un bout à l’autre de la muraille animée, retentit comme un grondement harmonieux de tonnerre le psaume : Heureux l’homme qui craint le Seigneur.

Cependant, accompagné de Macaire et d’Amathas, Antoine parcourait les rangs des anciens, des anachorètes et des cénobites. Ce voyant, qui avait vu le ciel et l’enfer, ce solitaire qui, du creux d’un rocher, avait gouverné l’Église chrétienne, ce saint qui avait soutenu la foi des martyrs aux jours de l’épreuve suprême, ce docteur dont l’éloquence avait foudroyé l’hérésie, parlait tendrement à cha-