Page:Anatole France - Thaïs.djvu/288

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tout à coup ses yeux rencontrèrent l’abbé d’Antinoé. Une sainte épouvante pâlit son visage, et ses prunelles reflétèrent des flammes invisibles.

— Je vois, murmura-t-il, trois démons qui, pleins de joie, s’apprêtent à saisir cet homme. Ils sont à la semblance d’une tour, d’une femme et d’un mage. Tous trois portent leur nom marqué au fer rouge ; le premier sur le front, le second sur le ventre, le troisième sur la poitrine, et ces noms sont : Orgueil, Luxure et Doute. J’ai vu.

Ayant ainsi parlé, Paul, les yeux hagards, la bouche pendante, rentra dans sa simplicité.

Et comme les moines d’Antinoé regardaient Antoine avec inquiétude, le saint prononça ces seuls mots :

— Dieu a fait connaître son jugement équitable. Nous devons l’adorer et nous taire.

Il passa. Il allait bénissant. Le soleil, descendu à l’horizon, l’enveloppait d’une gloire, et son ombre, démesurément grandie par une faveur du ciel, se déroulait derrière lui comme un tapis sans fin, en signe du long souvenir que ce grand saint devait laisser parmi les hommes.