Page:Anatole France - Thaïs.djvu/297

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— Thaïs ! répéta le moine.

Elle souleva la tête ; un souffle léger sortit de ses lèvres blanches :

— C’est toi, mon père ?… Te souvient-il de l’eau de la fontaine et des dattes que nous avons cueillies ?… Ce jour-là, mon père, je suis née à l’amour… à la vie.

Elle se tut et laissa retomber sa tête.

La mort était sur elle et la sueur de l’agonie couronnait son front. Rompant le silence auguste, une tourterelle éleva sa voix plaintive. Puis les sanglots du moine se mêlèrent à la psalmodie des vierges.

Lave-moi de mes souillures et purifie-moi de mes péchés. Car je connais mon injustice et mon crime se lève sans cesse contre moi.

Tout à coup Thaïs se dressa sur son lit. Ses yeux de violette s’ouvrirent tout grands ; et, les regards envolés, les bras tendus vers les collines lointaines, elle dit d’une voix limpide et fraîche :

— Les voilà, les rosés de l’éternel matin !

Ses yeux brillaient ; une légère ardeur colorait ses tempes. Elle revivait plus suave et plus belle que jamais. Paphnuce, agenouillé, l’enlaça de ses bras noirs.