Page:Anatole France - Thaïs.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

trer bientôt celui-ci. Je veux lui donner le baiser de paix, à l’exemple du saint solitaire Antoine qui, s’étant rendu auprès de l’ermite Paul, l’embrassa par trois fois. Nous nous entretiendrons des choses éternelles et peut-être notre Seigneur nous enverra-t-il par un corbeau un pain que mon hôte m’invitera honnêtement à rompre.

Tandis qu’il se parlait ainsi à lui-même, il tournait autour de la hutte, cherchant s’il ne découvrirait personne. Il n’avait pas fait cent pas, qu’il aperçut un homme assis, les jambes croisées sur la berge du Nil. Cet homme était nu ; sa chevelure comme sa barbe entièrement blanche, et son corps plus rouge que la brique. Paphnuce ne douta point que ce ne fût l’ermite. Il le salua par les paroles que les moines ont coutume d’échanger quand ils se rencontrent.

— Que la paix soit avec toi, mon frère ! Puisses-tu goûter un jour le doux rafraîchissement du Paradis.

L’homme ne répondit point. Il demeurait immobile et semblait ne pas entendre. Paphnuce s’imagina que ce silence était causé par un de ces ravissements dont les saints sont