Page:Anatole France - Thaïs.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

visage. À la vue du moine, il se leva et s’avança les bras ouverts :

— C’est toi, s’écria-t-il, Paphnuce mon condisciple, mon ami, mon frère ! Oh ! je te reconnais, bien qu’à vrai dire tu te sois rendu plus semblable à une bête qu’à un homme. Embrasse-moi. Te souvient-il du temps où nous étudiions ensemble la grammaire, la rhétorique et la philosophie ? On te trouvait déjà l’humeur sombre et sauvage, mais je t’aimais pour ta parfaite sincérité. Nous disions que tu voyais l’univers avec les yeux farouches d’un cheval, et qu’il n’était pas surprenant que tu fusses ombrageux. Tu manquais un peu d’atticisme, mais ta libéralité n’avait pas de bornes. Tu ne tenais ni à ton argent ni à ta vie. Et il y avait en toi un génie bizarre, un esprit étrange qui m’intéressait infiniment. Sois le bienvenu, mon cher Paphnuce, après dix ans d’absence. Tu as quitté le désert ; tu renonces aux superstitions chrétiennes, et tu renais à l’ancienne vie. Je marquerai ce jour d’un caillou blanc.

» Crobyle et Myrtale, ajouta-t-il en se tournant vers les femmes, parfumez les pieds, les mains et la barbe de mon cher hôte.