Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/423

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une vague perspective, une république cosaque et starovère où la Pologne eût forcément trouvé une alliée[1].

Pour préparer les voies à cette sorte de panslavisme retourné contre la Russie et plus chimérique encore que l’autre, la première chose était de donner aux vieux-croyants la consistance qui leur manquait, de leur donner un chef, une sorte de pape ou de patriarche placé à l’abri des atteintes de Pétersbourg. Ce que le schisme ne pouvait espérer trouver dans sa patrie, un épiscopat indépendant, il n’était pas impossible de le rencontrer parmi les innombrables prélats de l’Église de Constantinople, si souvent disgraciés ou déposés. Le rêve des vieux-croyants eût été de découvrir un évêque demeuré fidèle à l’ancienne foi. Dans leur ignorance, ils se persuadaient qu’au berceau du christianisme il devait être resté un clergé vieux-croyant ; plusieurs fois les émissaires du raskol avaient parcouru la Syrie et les métropoles orthodoxes de l’Orient, où d’ordinaire on ne connaissait même point de nom la vieille foi russe. Après d’inutiles recherches, les raskolniks de la Turquie et de l’Autriche durent se contenter d’un transfuge grec découvert par un renégat polonais. C’était un ancien évêque de Bosnie, du nom d’Ambroise, déposé par le patriarche de Constantinople. Le métropolite improvisé du schisme s’installa, en 1846, en Bukovine, à Bélokrinitsa (en roumain Fontana-Alba), dans un des couvents starovères. Un moment, vers 1860, à l’époque de leurs négociations avec Herzen, les chefs du schisme songèrent à transporter leur nouvelle métropole dans la libre Angleterre. C’eût été rendre moins aisées leurs communications avec la Russie.

À Bélokrinitsa, le siège du nouveau patriarcat était

  1. L’auteur de ce plan, Czaïkowski (Tchaïkovsky), connu en Turquie sous le nom de Sadyk-pacha, s’était par ses contes fait une place dans la littérature polonaise. De même que Kelsief, il finit par implorer la clémence du gouvernement russe. Rentré en Russie en 1873, l’ancien patriote polonais écrivit dans les feuilles russes, notamment dans le Rousskii Vestnik de Kalkof. Il a fini par le suicide, en 1886.