Page:Andersen - Contes d'Andersen, traduit par Soldi, Librairie Hachette et Cie, 1876.djvu/112

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« Je n’ai pas encore péché, dit le prince, et je n’ai pas l’intention de le faire. »

À ces mots il écarta les branches. La fée dormait déjà, elle souriait en rêvant ; mais, comme il se penchait vers elle, il vit des larmes dans ses yeux.

« Ne pleure pas à cause de moi, être admirable ! souffla-t-il ; ce n’est que maintenant que je comprends la félicité du Paradis ! Elle coule dans mon sang, elle envahit ma pensée ; je sens dans mon corps terrestre la force du chérubin et sa vie éternelle ! Que la nuit pour moi soit éternelle désormais ! Une minute comme celle-ci, c’est assez de bonheur. »

Et il essuya de ses baisers les larmes qui coulaient.

En ce moment, un coup de tonnere effroyable éclata ; tout s’écroula avec fracas ; le prince vit la belle fée et le Paradis merveilleux s’enfoncer peu à peu dans une nuit épaisse, jusqu’à ce qu’enfin ils ne parurent plus que comme une petite étoile dans le lointain. Un froid mortel pénétra tous ses membres, il ferma les yeux et tomba par terre comme inanimé.

Une pluie froide qui mouillait son visage et un vent piquant qui sifflait autour de sa tête le rappelèrent à lui. « Qu’ai-je fait ? s’écria-t-il en gémissant ; j’ai péché comme Adam ; pour moi comme pour lui le Paradis est perdu. »