Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/8

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quet à la Houppe et Peau d’Âne ont une signification qui n’échappe à personne ; et le Chat botté, et Cendrillon, et le Petit Poucet, et les Deux Sœurs, dont l’une, en parlant, jette des diamants et des perles, et l’autre des vipères et des crapauds ? Dans chacun de ces récits l’on aperçoit distinctement une leçon éternellement vraie, un sujet de méditation. Lorsque ce fond existe, la fiction peut être impunément puérile, fantastique, extravagante. Pourvu qu’elle saisisse vivement l’imagination, le but est rempli. Le Calila et Dimna de l’Orient, le Comte Lucanor de l’Espagne, tous ces recueils d’histoires qui ont traversé les siècles sans périr, se prêteraient aussi bien à la même observation.

Pour qu’ils puissent se graver dans la mémoire des générations successives, les contes doivent plaire également à l’enfance et à la vieillesse, puisque l’une est chargée de les transmettre à l’autre. Or ils ne plaisent pas à l’une et à l’autre par les mêmes qualités. La première y cherche des aventures naïves ou touchantes, des peintures pittoresques, des drames merveilleux. La seconde, lorsqu’elle y revient, veut y trouver l’image même de la vie et du monde. Il faut donc que les contes, pour vivre plus d’une saison, combinent ce double élément.

On s’étonne parfois que la littérature enfantine compte un si petit nombre d’œuvres durables, et qu’il soit si difficile d’y réussir. C’est qu’en réalité la littérature enfantine, si l’on entend par là une littérature qui ne conviendrait qu’à l’enfance, est une illusion. Il n’y a point de littérature qui ne doive être faite pour tous les âges. Seulement, pour descendre jusqu’à l’enfance et pour se rendre abordable aux jeunes esprits, il faut que les ouvrages d’imagination présentent des