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LE SARRASIN.

ne nous arriverail-il donc pas, à nous autres herbes des champs, si, dans notre misère, nous prétendions faire plus que l’homme lui-même! »

« Dans notre misère, » répéta le sarrasin d’un ton moqueur. « Non! en vérité; et je m’en vais au contraire regarder bien haut vers le ciel. »

Et, dans son orgueil coupable, il fît comme il disait. Les éclairs se succédaient avec une rapidité telle qu’on eût dit que tout l’univers était en feu.

Une fois l’orage passé, on vit fleurs et grains se tenir droits dans l’air maintenant pur et calme. La pluie les avait rafraîchis, et il paraissaient heureux et gais comme le printemps. Mais le sarrasin, le pauvre sarrasin ! les éclairs l’avaient brûlé et rendu noir comme du charbon. Il n’était plus désormais dans ce champ qu’une herbe morte et inutile.

Et le vieux saule tournait ses branches au vent, et de larges gouttes d’eau tombaient de ses feuilles vertes, comme si l’arbre eût pleuré. Et les moineaux disaient : « Pourquoi pleurez-