Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, II.djvu/87

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du secret intérieur ; et, sous le masque de la méthode, Nietzsche livrait encore une part de sa personnalité. Le mois de novembre apporta la récompense de tant d’efforts : l’Université proclama Nietzsche vainqueur du concours. Un rapport de Ritschl, en latin, fit remarquer que l’érudition, la maturité, le jugement subtil, dont témoignait ce travail, dépassaient les espérances de ses juges. Le programme inaugural de l’Université ajoutait encore aux éloges que méritait cette sagacité dans la recherche. Nietzsche ne manqua point d’envoyer à ses amis des extraits de ces appréciations élogieuses[1].

Bien qu’il ait mis des mois à remanier son mémoire pour l’impression, il est probable que les positions centrales de Nietzsche étaient telles qu’on les voit dans le travail publié[2]. Des textes ingénieusement juxtaposés montraient que Diogène Laërce avait dû emprunter à Dioclès de Magnésie tout ce qu’il sait sur la doctrine et la vie des Stoïciens. Mais ce Dioclès n’a-t-il pas été couvert d’invectives par Sotion, philosophe du temps d’Auguste et de Tibère, qui fut le maître de Sénèque ? Il a donc dû avoir des sympathies pour les Épicuriens que Sotion poursuivait d’une haine tenace. Et comment Diogène Laërce, si voisin lui-même de la secte épicurienne, aurait-il emprunté à un autre que Dioclès ses renseignements sur Épicure et son école, pour l’amour desquels Dioclès avait été persécuté ? Par degrés, Diogène Laërce apparaît donc comme un résumé de Dioclès.

Il le résume en effet, mais non sans interpolations. Favorinus d’Arles, que nous connaissons si bien par Aulu-Gelle, son ami, fut une de ses sources secondaires.

  1. Corr., 1, 87 ; II, 16.
  2. Philologica, t. I. pp. 69-152