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À côté de la tragédie athénienne, une autre fleur miraculeuse était éclose en Grèce dans le même temps : la philosophie grecque. Pour Nietzsche, il n’y a pas là de hasard. Un profond besoin social a fait jaillir cette double floraison. Dans le livre auquel il a travaillé le plus dans les années qui ont précédé 1876, ce Livre des Philosophes (Philosophenbuch) inachevé, qui serait peut-être devenu le plus important de ses livres de jeunesse, Nietzsche se serait interrogé sur ce grand fait : la venue sur la terre de ces mystérieux inconnus, les philosophes[1].

Car le même fait énigmatique s’était reproduit de notre temps. La tragédie venait de revivre dans le drame

  1. Résumons ici ce que retrace en détail la Jeunesse de Nietzsche. Le Philosophenbuch souvent repris, et pour la dernière fois en 1879, est resté un tronçon. Le morceau principal en est le beau fragment sur la Philosophie à l’époque tragique des Grecs (Die Philosophie im tragischen Zeitalter der Griechen), enseigné en 1872, rédigé et très stylisé pour Mme Cosima Wagner en 1873. Des fragments informes Der letzte Philosoph ; Der Philosoph, Betrachtungen über den Kampf von Kunst und Erkenntniss (automne et hiver de 1872) ; Der Philosoph als Arzt der Cultur (printemps 1873) nous donnent une idée des recherches qui auraient complété le livre et en auraient établi la solidarité avec Die Geburt der Tragödie. Une grande introduction sur La Vérité et le Mensonge en dehors de leur acception morale (Ueber Wahrheit und Lüge im aussermoralischen Sinne, 1873) se serait demandé si la philosophie se propose de chercher le vrai ; et, comme Nietzsche aurait conclu que le vrai n’est pas connaissable, la fonction de la philosophie lui aurait paru consister uniquement à orienter notre vie dans un sens qu’il aurait essayé de définir. — Tous ces fragments se trouvent réunis au t. X des Werke.