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INTRODUCTION



Personne ne conteste plus qu’il y ait une philosophie de Nietzsche. Mais on doute que cette philosophie forme un système ; et la vérité est que Nietzsche s’est défié de la pensée systématique comme d’une maîtresse du mensonge :


Il y a, disait-il, un charlatanisme des esprits systématiques. En cherchant à fournir un système sans lacunes et à arrondir l’horizon autour de lui, ils se forcent à mettre en scène leurs qualités les plus faibles dans le style même de leurs qualités les plus fortes. Ils prétendent se donner l’air de tempéraments entiers et homogènes dans leur force.


C’est dire que, pour Nietzsche, la faculté de systématiser est affaire de nature. Il n’appartient pas à tout le monde d’avoir un système. L’unité philosophique d’une pensée neuve se construit lentement comme une vie, et elle ne tolère rien de mort. Pas de prétention plus commune chez des esprits traditionnels que celle d’une vigoureuse logique. Cette solidité de structure ne peut donner le change sur la pensée ossifiée qu’ils ont reçue en héritage. Mince mérite, au moyen âge, de construire une pensée solide, quand la logique aristotélicienne en fournissait le moule achevé, où, il n’y avait plus qu’à couler la croyance religieuse. Ou bien, plus près de nous, sera-t-on dupe d’un autre strata-