Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, III.djvu/131

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pensée panhellénique se fût réalisée, qui sait si les Perses auraient osé attaquer la Grèce [1]. Anaximandre, pour répandre l’idée panhellénique, se fit fondateur de colonies, et sa pensée aussi colonisait au dehors [2]. L’obstacle à la réalisation d’une Grèce unifiée, et par là capable de vivre, était dans toute la superstition, dans toute la passion, dans toute la sensualité grecques. Anaximandre trouve l’esprit grec efféminé. Il a souci de le viriliser. Parménide se méfie des sens ; il glorifie la pensée logique. C’est qu’il espère calmer ainsi les passions grecques déchaînées. Dans un corps politique harmonieux, équilibré comme le σφαῖρος (sphairos) de l’univers, il prétend fixer la vérité éternelle des lois. Anaxagore seul y parvient un temps. Le libre penseur qui hait la foule superstitieuse et se fait une cour de disciples dégagés comme lui de croyance, représente l’esprit épuré de l’ancienne Athènes. La foule athénienne tourbillonne comme la matière obscure. Mais un noyau d’hommes se forme en elle par sélection et immatériellement la commande. Un Périclès est l’image parfaite du Νοῦς (Noûs) d’Anaxagore. Il représente dans le chaos populaire l’esprit libre et ordonnateur qui sait calmer et ordonner les forces aveugles. Et certes, si on avait pu initier la Grèce à une telle philosophie, la Grèce aurait survécu [3].

On approche avec une curiosité teadue de la réforme sociale préconisée par Héraclite et Empédocle. Nietzsche se console aisément du remous de démence et d’erreur qui vient battre le rocher solitaire d’Héraclite. Quel est donc le dessein qui engendre tant de haines ? Héraclite a imaginé une organisation « hyperhellénique », qui aurait

  1. Philosophenbuch, 1875, préface, § 200. (W., X, 236.)
  2. Die Philosophie im trag. Zeitalter, § 4, S 200 (W., X, 29, 237.)
  3. Die Philosophie im trag. Zeitalter, § 19. (W., X, 88 sq.)