Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, III.djvu/194

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pratique, illégitime en elle-même. Or, cet ensemble de faux grossiers, dont pas un n’est conforme au réel, constitue la forme de pensée la plus rigide et la plus claire qui existe,, la logique [1].

Il n’en est pas autrement de la science. Elle enregistre les successions régulières. Pour qu’elle fût vraie, il faudrait d’abord que les observations sur lesquelles elle se fonde fussent exactes. Mais il est bien évident que nous percevons avec des organes et des cerveaux d’hommes. Nous nous rendons compte que l’univers doit avoir une autre figure dans la tête d’un insecte et d’un oiseau que dans la nôtre. Il ne nous vient pas à l’idée que leur idée du monde soit adéquate. Pourquoi serions-nous assez présomptueux pour nous imaginer que la nôtre seule en soit un reflet fidèle [2] ? Ou plutôt nous avons vu que, pour Nietzsche, cette question de la ressemblance de notre connaissance à la réalité extérieure est mal posée. Il ne peut être question que d’une adaptation utile à nous guider, et non d’une conformité de nos idées à un modèle qu’elles copient.

5. Connaissance et métaphysique. — Objectera-t-on que les lois de la nature sont d’une irréfragable constance ; que nous nous heurtons à elles, comme notre toucher se heurte à la dure résistance du monde physique ? C’est, en efiet, un fait dont il faut tenir compte et qu’il faut expliquer. Évidemment le fait le plus capable de nous donner la notion d’un monde extérieur est cette omniprésence et cette infaillibilité des lois naturelles. Si loin que nous projetions la sonde télescopique dans les profondeurs de l’infiniment grand et si loin que nous poursuivions le sondage microscopique dans les profondeurs de l’infi-

  1. Ibid., § 142 (W., X, 167) ; Ueber Wahrheit und Lüge, § 1 (W., X, 195-198) ; — Entwürfe, § 177. (W., X, 211.)
  2. Theoret. Stud., § 102 (W., X, 153) ; Ueber Wahrheit, § 1. (W., X. 201.)