Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, III.djvu/249

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veut formuler ; ni l’art ne doit intégralement le reproduire. Ils ne fournissent que des moyens de s’en défendre. Mais la science et l’art peuvent manquer de l’instinct de vie et du sens mystérieux de l’orientation. La philosophie est ce sens et cet instinct même. Placée entre la science et l’art, elle sera donc écoutée de tous deux, quand l’art et la science sentiront en eux l’inspiration vitale faiblir. La philosophie se compare à cet instinct qui avertit les vivants de ne pas toucher aux aliments nuisibles et de fuir les climats dangereux ; ou encore elle est comme une thérapeutique dont la vie a besoin. La philosophie ne crée rien, mais elle protège et prévoit. Son empire est provisoire ; mais, quand elle abdique, c’est entre les mains de l’art, parce que l’art a sur elle la supériorité de créer. Voilà le sens de la formule de Nietzsche :

La civilisation intellectuelle est une vie de la nation soumise à la souveraineté de l’art. (Kultur ist Beherrschung des Lebens durch die Kunst.)


En termes idéologiques, c’est la loi même de toute croissance humaine. Les Grecs avaient su la découvrir : Ils ont su concilier une saine énergie avec l’effort de l’esprit le plus élevé.

Mais nous, n"est-il plus possible de nous helléniser ? Des symptômes précurseurs autorisent l’espérance : 1o Le christianisme s’affaiblit. Il n’était qu’un hellénisme souillé, débilité, entaché de mysticité orientale. Il fait place aux sciences positives. Un nouvel alexandrinisme, de grécité. authentique, s’annonce par là. 2o L’éclosion des génies a recommencé. Il en est dont les traits reproduisent de si près les physionomies des génies grecs, que « les siècles semblent s’évanouir pour laisser reparaître les contours reconnaissables de l’Hellade » . Si la grande lumière hellénique ne s’est pas encore levée, cependant un hellénisme