Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, III.djvu/304

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Épiméthée. Un drame tardif de Gœthe autrefois avait déjà eu l’idée de mettre les deux frères en présence. Et avec Épiméthée viendra Pandora, c’est-à-dire la culture grecque. Cette boîte d’où sortiront pour les hommes tous les biens et tous les maux, aux yeux de Nietzsche, c’est l’histoire et le souvenir ; et c’est la plus belle histoire et le plus éclatant souvenir : l’histoire de la Grèce et la beauté grecque revenant à la mémoire. C’est Achille et Hélène, et toute l’antiquité grecque revenant parmi les hommes, quand on relit les poètes grecs.

De nouveau, dès lors, l’humanité s’enivrera de ce rêve de la Guerre et de la Femme. Les hommes en seront stimulés jusqu’à ne plus craindre la mort.

Il faut que les hommes s’entretuent, avait dit Novalis dans les fragments qui terminent Heinrich von Ofterdingen, cela est plus noble que de tomber sous les coups du destin. Le goût de la mort est le génie même du guerrier. La terre est le séjour de la guerre. Il faut la guerre sur la terre [1].


Pour Novalis, cette époque de guerre vivifiante était ce moyen-âge chevaleresque ; et Nietzsche ne le suit point ici. Il n’a jamais considéré le moyen-âge que comme une ère de décadence. L’époque où revivront les ombres, abreuvées du sang de la guerre, c’est, selon Nietzsche, la Renaissance ; car la Grèce seule peut être institutrice d’héroïsme.

Mais à regarder de près cet hellénisme, qui nous présente la vie sous des dehors si séduisants, on le trouve assis sur des fondements d’épouvante. Si l’on ne s’y résigne pas, on ne peut imiter la Grèce, et c’est une chimère que la Renaissance.

Sous le coup de cette déception qui remplit les deux derniers siècles, faut-il s’étonner que l’humanité se fasse

  1. Novalis, Heinrich von Ofterdingen, Ed. minor, IV, 244.