Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, III.djvu/350

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des serpents de pâtisserie ? Aucune Déméter n’est là pour accueillir ces présents, si ce n’est une truie sacrée : c’est donc elle à qui on sacrifie les porcelets, dont les restes, après avoir macéré dans une fosse, seront semés dans les champs pour être fertilisés, et c’est là la primitive Déméter Thesmophoros[1]. Aux Dionysies d’Athènes, le Dionysos qu’on traîne au théâtre parmi les acclamations n’est-il pas un taureau ? Pourquoi, sur les monuments de Crète, des boucrânes ou des cornes de bœuf sont-ils suspendus à tous les autels, sculptés sur toutes les frises ? Pourquoi à Delphes nourrissait-on un taureau sacré, qu’on appelait le « Consécrateur » (Hosiotèr) ? Comment expliquer qu’il se soit conservé à Magnésie tout un rituel du taureau ? C’est qu’en Attique, en Crète, à Magnésie, à Delphes, le taureau était dieu.

Ainsi Zeus Meilichios a été d’abord serpent en Attique. Déméter y a été une truie, et ailleurs une jument. Le Dionysos attique et le Zeus de Crète ont d’abord eu figure bovine ; et c’est de ces dieux-animaux que sont sortis les dieux olympiens.

Les dieux ont, en effet, d’abord été les bêtes mêmes du sacrifice. Ces animaux portaient en eux la force vitale que l’homme leur demandait en mangeant leur chair, en buvant leur sang, en épandant leurs restes sur les champs pour les fertiliser. Divine nourriture qu’il partageait avec les forces mystérieuses, les morts qui vivaient sous terre ou peuplaient les airs. Comment l’animal où vivait cette force magique n’aurait-il pas été l’objet d’une vénération divine ?

Mais ce n’est pas tout. Il faut expliquer que soient nés

  1. En Arcadie, pays riche en chevaux, où le sacrifice d’un cheval pouvait ne pas paraître trop onéreux, c’est une déesse à tête de jument qui s’appelle Déméter. V. Victor Bérard, De l’origine des cultes arcadiens, 1894, p. 108 sq.