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rambes qui n’étaient pas chantés par des satyres ; et ce serait un point important du premier pamphlet contre la Zukunftsphilologie que Wilamowitz arrive à maintenir.

Le chœur des satyres serait donc une importation tardive. Wilamovvitz reprend ainsi cette vieille thèse qu’il avait tant reproché à Nietzsche d’avoir empruntée à Welcker. Sans doute, les satyres du chœur athénien n’avaient pas l’aspect de boucs. Ils étaient des Silènes, des démons-chevaux, à longue queue de crin, comme il convient en mythologie, attique. Wilamowitz souligne peut-être avec trop d’emphase l’enseignement que dégagent à ce sujet les études de Furtwaengler sur le Satyre de Pergame[1]. Nous nous expliquerons cette insistance, en songeant qu’il s’agissait de maintenir dans un sens nouveau l’une des phrases du pamphlet ancien les plus victorieusement combattues par Nietzsche et Rohde. Il est avéré aujourd’hui que les génies à queue de cheval ont, de bonne heure, à Athènes, porté le nom dorien de satyres, qui ne conviendrait qu’à des boucs ; et Nietzsche n’avait pas fait erreur là-dessus. La difficulté est de savoir si de ce chœur de démons masqués il a pu sortir autre chose que la comédie satyrique, qui termine la trilogie tragique .

Pour Wilamowitz, le chœur des boucs péloponésiens, produit pour la première fois à Corinthe par Arion, fut imité dans d’autres villes. Pindare, à Thèbes, supprime les boucs, mais garde la liberté métrique. Athènes conserve le chœur des génies animaux, mais, sous leur nom ancien de « boucs » (τράγοι), leur donne figure de Silènes. Comment se fait-il alors que Wilamowitz n’attribue pas à Arion le mérite d’avoir créé la première tragédie

  1. Furtwaengler, Der Salyr aus Pergamon (Vierzigstes Programm zum Winckelmannfeste, 1880, p. 22 sq.).