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LE GOUVERNEUR

qu’on vous avait placé non pas dans un cercueil noir, comme on le fait pour les vieillards et en général pour les grandes personnes, mais dans un blanc cercueil de jeune fille ; des agents de police vous portaient, sur leurs têtes, le long de la « rue de Moscou ». Et derrière le cercueil, il n’y avait que des agents de police et aucun de vos parents, ni personne d’autre ; et les fenêtres et les portes, devant lesquelles on vous portait, étaient toutes fermées par des volets, comme la nuit. C’était si terrible que je me suis réveillée et me suis mise à réfléchir. Et ce sont ces pensées que je vous écris. J’ai pensé qu’en effet, vous n’aviez personne pour vous pleurer quand vous serez mort. Ceux qui vous entourent ne sont que des égoïstes au cœur sec qui ne s’intéressent qu’à eux ; et ils seront peut-être contents de votre mort, parce qu’ils désirent prendre votre place. Je ne connais pas votre femme, mais je ne crois pas qu’on puisse trouver des personnes compatissantes et bonnes dans votre monde pourri par la vanité et la soif des plaisirs. Quant aux gens honnêtes, aucun d’eux ne vous accompagnera au cimetière, car ils sont tous ré-