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NOUVELLES

était aussi solitaire dans son âme que dans sa maison.

Il attendait. Comme auparavant, il se levait à sept heures, faisait ses ablutions à l’eau froide, buvait du lait, et à huit heures, il accomplissait sa promenade habituelle ; chaque fois qu’il franchissait le seuil de sa demeure, il se disait que c’était la dernière fois, et la promenade se transformait en une chute incessante dans un gouffre inconnu. Revêtu de son manteau de général doublé de rouge, ses larges épaules redressées, l’air martial, sa tête grise un peu rejetée en arrière, il errait pendant deux heures dans la ville, devant les petites maisons noircies par la pluie, le long des palissades et des placettes interminables, devant les magasins et les boutiques dont les employés, transis de froid, saluaient avec respect. Sous le blond soleil d’octobre, comme sous la pluie fine et ennuyeuse, il se montrait invariablement dans les rues, fantôme majestueux et triste qui allait à grands pas fermes, cadavre qui cherchait sa tombe, d’une démarche solennelle.

Il posait ses pieds dans la boue et les flaques