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LE GOUVERNEUR

et le matin, vers neuf heures, il y passait un grand nombre de lycéennes. Ce fut lui qui salua le premier, avec sérieux et respect, les écolières, même les plus petites, celles qui portaient de courtes robes brunes s’arrêtant aux genoux, celles qui avaient de menues jambes minces et d’immenses serviettes ; elles lui répondaient avec embarras. Les yeux myopes du gouverneur ne distinguaient pas les visages, et toutes ces figures, celles des petites comme des grandes, lui semblaient des fleurs qui auraient eu des chapeaux. Lorsque la dernière avait passé, il souriait doucement du côté gauche de sa bouche et prenait un air rusé ; mais, au tournant de la rue, il redevenait le cadavre qui cherche sa tombe, d’une démarche solennelle.

Les premiers jours, sur l’ordre du préfet de police, deux agents le suivirent à quelque distance ; le gouverneur ne les remarqua pas, car il ne se retournait jamais. D’abord, ils s’acquittèrent consciencieusement de leur tâche, répétant toutes ses allées et venues capricieuses ; mais bientôt ils se mirent à rester en arrière ; c’était lassant de suivre un homme qui revenait sans