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NOUVELLES

Lorsqu’il avait fini de danser, Vanka Kostiourine disait à Raïko en reprenant haleine :

— Eh bien ! Raïko, montre-nous comment on danse chez toi. Je suis sûr qu’on ne le fait pas comme en Russie !

— Non, mais beaucoup mieux !

— Montre-nous, n’aie donc pas peur ! Je sais qu’on danse bien chez vous.

Les autres appuyaient. Alors le Serbe posait le tambour en regardant autour de lui d’un air furieux et craintif ; puis son visage prenant une expression féroce et sanguinaire, il faisait quelques mouvements bizarres, saccadés, anguleux, comme s’il se préparait à égratigner, à étrangler, à tuer, et non pas à danser. Grave, un peu effrayant, il ressemblait tant à un petit sauvage que tout le monde éclatait de rire, et Raïko, de nouveau offensé, se fâchait et s’en allait.

— Qu’ils sont grossiers ! pensait Tchistiakof, et il avait pitié du petit Raïko qui aimait tant sa petite patrie.

Parfois, on voyait apparaître au numéro 64 l’étudiant Karouéf, toujours calme, toujours gai et un peu arrogant.