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BERGAMOTE ET GARASKA

en crachant encore ; il avait une démangeaison au creux de l’estomac.

La rue devenait déserte. La cloche qui appelait à la messe s’était tue. Puis un carillon nuancé résonna gaîment après les sonneries graves du grand carême. Il annonçait au monde la bienheureuse nouvelle de la résurrection du Christ. Bergamote se rasséréna un peu en se représentant la table couverte d’une nappe blanche, avec les œufs, les pains de Pâques. Sans se hâter, il échangerait le baiser de Pâques avec tout le monde. On réveillerait le petit Vaniouchka endormi, et le premier soin de l’enfant serait de réclamer un œuf teint, dont il avait constamment parlé cette semaine avec sa sœurette plus expérimentée. Serait-il étonné, le bambin, quand le père lui donnerait non pas un œuf teint à la fuchsine, mais un véritable œuf de marbre, aimablement offert par le marchand :

— Il est amusant, cet enfant ! se dit Bergamote en souriant ; et il sentit que du fond de son âme quelque chose comme de la tendresse paternelle s’élevait.

Mais la mansuétude du sergent de ville allait