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xxiii

RUES GIBELINES


En juin et en décembre



Vérone sous la neige et Vérone dévorée par le soleil, j’ai deux images de cette guerrière ; et toujours, ou rouge, ou blanchement funèbre, Vérone est noire.

Le lieu de la vieille ville, le plan bâti où toute pierre et toute brique satisfait aux conditions de la vie meurtrière, est un cimetière dans un champ de vieux palais. Le cimetière est en plein vent, et les morts illustres, non contents d’être couchés sur leurs tombeaux, les surmontent à cheval. Ils veulent être princes de la ville, même après la descente aux enfers. Ils ont des chevaux diaboliques, qui dansent au-dessus des piétons, en dardant un œil trop large.

Tout est plein de meurtres et de sépulcres. La vieille Vérone est une ville de cavaliers farouches et goguenards, perchés sur les toits : ils vont l’amble au-dessus des portes, et ils trottent sur les pignons. L’architecture est militaire, ou trop ornée : l’excès de l’ornement, c’est toujours la lourdeur du sens.