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une vie sociale tout à fait propre à Edimbourg. Tous ces hommes vivaient, pour ainsi parler, dans la même rue, les uns sur les autres. Ils se connais- saient et s'aimaient, se rencontraient tous les jours, allaient ensemble au Parlement ou à l'Université, se promenaient en causant sur les Pi-airies^, discutaient, soupaient tous les soirs les uns chez les autres, ou, quand ils voulaient être entre eux, allaient à leur club ou à une taverne. « Au moyen des caddies, nous donnions rendez-vous à nos amis dans une taverne, à neuf heures ; et c'était un beau temps où nous pouvions réunir David Hume, Adam Smith, Adam Ferguson, lord Elibank, les D^Blair et Jardine en les prévenant une heure à l'avance ^. » Quand Hume, après son séjour à Londres, reprit en 1769 possession de son logement au troisième étage dans James's Court, il écrivait à son ami Adam Smith, retiré dans un village de l'autre côté du Forth, une phrase où se montre la charmante tendresse de cœur qui s'alliait à sa fermeté d'esprit : « Je suis heureux d'être à portée de regard de vous et d'avoir à mes fenêtres une vue de Kirkcaldy ». L'auteur de l'Histoire d'Angleterre apercevant de chez lui la petite maison paisible où l'auteur de la Richesse des Nations poursuivait son grand ouvrage et lui donnant le bonjour est un fait caractéristique de la société littéraire d'Edimbourg à ce moment. Encore cela leur semblait-il loin ; Hume ajoutait: « Je voudrais bien aussi pouvoir vous parler ^. » Tous ces hommes vivaient pour ainsi dire eu famille.

Si l'on veut achever le tableau de la vie sociale d'Edimbourg dans les vingt dernières années du xvm* siècle, il faut ajouter à cette aristocratie de l'esprit et du savoir, puisée au plus profond du peuple, l'aristocratie de naissance et de fortune. Presque toutes les vieilles familles avaient leur hôtel ou leur maison à Edimbourg et y venaient résider l'hiver. Par suite de l'esprit familial qui anime l'organisation par clans, et de l'esprit démocratique qui domine dans le système presbytérien, la noblesse n'était pas très séparée des autres classes. Le haut du pavé appartenait peut-être à la distinction intellectuelle et en tout cas les savants étaient les égaux des nobles. « La supériorité d'Edimbourg, disait Jeffrey, est due en grande partie à la combinaison cordiale des deux aristocraties du sang et des lettres ^. » Des hommes comme Henry Erskine, Dugald Stewart, John Playfair, qui unissaient l'élégance des façons à la culture de l'esprit, et dont quelques-uns appartenaient à l'ancienne noblesse, ser- vaient de traits d'union entre les deux classes et régnaient des deux côtés.

Cette familiarité, cette communauté de vie tenait à la construction particulière d'Edimbourg. Tout le monde se connaissait, se voyait. Les

1 Lord Cockburn. Memorials, p. 49-50.

2 D Alex Garlyle. Autobiography, p. 275.

3 Old and New Edinburgh, hj J. Grant, tom I, p. 98.

^ Extrait d'un article de Jefl'rey sur Playfair, 1819 — cité dans \' Edinburgh Review, N" 321.

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