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durée de ses désespoirs. « Conservez bon espoir, Sylvander ; l'éternité de vos souffrances d'amour sera terminée avant six semaines. Ce sont là des parjures « que les dieux permettent eu souriant *. » Elle lui parle avec beaucoup de sagesse et de raison. « Une partie de l'intérêt que vous prenez à moi est due à la pure nouveauté. Vous serez fatigué de notre correspondance avant de quitter la ville et vous ne prendrez pas la peine de m'écrire de la campagne. Sylvander, je voudrais que vous soyiez marié heureusement, vous ne pouvez être heureux sans un tendre attachement. Le ciel vous dirige ! ^ » Ce sont là de sages paroles et de bons conseils. Et comme les allusions de Sylvander ont été trop vives et trop claires, elle le rappelle à l'ordre d'un ton presque sec : « Je ne puis et peut-être je ne devrais pas comprendre vos extravagances d'hier soir et vos remarques ambiguës à leur propos. Je suis votre amie, Sylvander , prenez garde que la vertu ne réclame le sacrifice même de l'amitié. Vous n'avez pas besoin de maudire le lien des lois humaines , quel est le bonheur que Clarinda goûterait à en être libérée ?3 » 11 est clair que le trouble qui commence en son cœur n'a pas encore gagné la tête, et qu'elle reste encore la personne ferme et sensée qu'elle semble avoir été.

Une seconde entrevue plus longue eut lieu le samedi 12 janvier. Cette fois-ci, ce fut Clarinda qui, à son tour, raconta son histoire et dévoila son caractère. Elle semble avoir fait l'aveu d'erreurs et de défauts. « Sylvan- der, vous avez vu, hier soir, Clarinda derrière la scène ! Maintenant vous êtes convaincu qu'elle a des défauts. Si elle se connaît bien, son intention est toujours bonne, mais elle est souvent la victime de sa sensibilité et c'est pourquoi elle est rarement contente d'elle-même ^ ». Sans doute , Burns ému, comme il est si aisé de l'être, par le récit d'infortunes pareilles, l'écouta avec une sympathie recueillie et avec réserve. 11 se montra ce que Clarinda espérait qu'il serait toujours. « Oh! mon ami, je souhaite ardemment conserver votre estime. Notre dernière entrevue vous a élevé très haut dans la mienne. J'ai en vérité rencontré peu de personnes de votre sexe capables de comprendre la délicatesse en pareilles circonstances; et cependant c'est elle seule qui donne leur saveur à des rapports si heureux *. » Néanmoins il lui venait de confuses inquiétudes sur ce qu'elle faisait. Même dans la joie d'une entrevue innocente propre à la rassurer, apparaissaient des remords encore faibles et pâles , qui n'avaient pas d'acte auquel ils pussent se prendre, mais éveillés par un état général.

Je lie nierai pas, Sylvander, que la soirée d'Iiier ait été une des plus délicieuses que

' To Sylvander. Jan. Qi^, 1788.

2 To Sylvander. Jan. lOtb, nss.

3 To Sylvander. Jan. 13tii, n88.

  • ïb Sylvander. Jau. 15iii, 1183.