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pour lui que de l'estime et de la reconnaissance. Elle se trouvait partagée entre le scrupule de le tromper en lui dissimulant son sentiment nouveau, et la crainte de Taflliger en le lui révélant. Elle-même , gentiment et d'une touche légère, esquisse ce timide commencement de roman et met Burns au courant de ses incertitudes :

(( Je vous ai parlé de cet ami particulier ; il a été, pendant quatre ans, celui à q<ii je me suis conliée. Il est très digne et répond exactement à votre description dans » Tépître à J. S.* » Alors que j'avais à peine un ami qui se souciai de moi à Edimbourg, il m'accueillit. Je vis, trop tôt, que c'était chez lui un sentiment plus ardent; peut-être une légère contagion en fut-elle le résultat naturel. Je vous ai laconté la circonstance qui contribua à effacer en moi cette tendre impression; mais je m'aperçois (bien qu'il ne m'en parle jamais) je vois à toute occasion que, de son côté, sa faiblesse persiste encore. Je Teslime comme un ami fidèle ; mais je ne saurais ressentir davantage pour lui Je crains qu'il n'en soit pas convaincu.il ne voit aucun autre homme qui soit à moitié aussi souvent avec moi que lui-même, et en tout cas il croit que je n'ai de parliaiité pour personne. Je ne puis supporter de tromper quelqu'un sur un point si délicat, et je suis chagrinée qu'il donne asile à un attachement que je ne pourrai jamais payer de retour. J'ai la pensée de lui avouer mon intimité avec Sylvander ; mais mille choses m'en emi)échent. Je serais poursuivie par la jalousie « ce monstre aux yeux verts i>, et je crains en outre que cela ne blesse son repos. C'est une affaire délicate. Sylvander, je ne puis supporter de faire de la peine à qui que ce soit, encore moins à un homme qui m'entoure des attentions d'un frère^. »

Peut-être y avait-il dans ces hésitations un peu plus qu'elle ne se l'avouait à elle-même : un peu de cette subtilité et duplicité dont les femmes n'ont pas conscience, un peu de cette répugnance qu'elles ont à détruire leur pensée, même dans des cœurs qui leur sont indit'Iérents ; elles n'aiment pas à casser les miroirs oii leur image se reflète. Quant à Lord Craig, il semble avoir été un parfait galant homme. A côté de lui, on aperçoit un personnage, assez ordinaire en pareil cas, un directeur spirituel, un Révérend Kemp, ministre de la chapelle de la Prison d'Edimbourg, homme de façons graves, de piété notable et de quelque éloquence ecclésiastique. Clarinda avait en lui beaucoup de confiance. Quand elle a le cœur trop chargé du secret récemment entré dans sa vie, elle l'appelle et, tout en larmes, lui confie qu'elle aime quelqu'un et lui demande si c'est pour elle un devoir d'en informer son cousin. Il l'en dissuade, regrette qu'elle ait donné son cœur, il aurait voulu qu'elle s'en tînt à l'amitié et lui parle comme un parent anxieux de son bonheur^. D'autres jours, il vient la visiter le soir et « tremble pour sa paix*. » Il semble que ce révérend ait été une espèce de Tartufe puritain, car,

1 L'Epilrc à. James Smith.

2 To Sylvander, Feb. 6tii, nss.

3 To Sylvander, 27tli Jan. 1188. i To Sylvander, '28th Jan.