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après avoir été marié trois fois, il fut, plus tard, poursuivi en adultère par l'homme dont la fille avait épousé son fils ^

Quand ces deux hommes eurent connaissance que Clarinda avait une intrigue, ils intervinrent. Ils firent des représentations ; l'un, sans doute, avec des conseils graves et des exhortations ; l'autre, cruellement blessé, alla peut-être aux reproches et aux récriminations. L'un d'eux même lui en écrivit durement 2. Il y a lieu de croire qu'ils eurent des soupçons sur Burns, sans avoir de certitude. Tremblante de voir irritées les seules amitiés qu'elle eût, et consternée à l'idée qu'elles pourraient l'abandonner, affligée d'avoir blessé et peut-être éloigné un dévoûment éprouvé, elle raconta ses troubles à celui qui en était le motif et lui envoya les lettres qu'elle avait reçues à ce sujet. On a perdu les lettres qu'elle écrivit à Burns ; mais il semble qu'elle lui demandait de renoncer à elle, en lui faisant voir les dangers auxquels elle était exposée.

Ce fut simplement, pour lui, comme un coup de fouet. Sa nature ombra- geuse se cabra. Quelque chose de sa vieille colère contre les faiseurs de morale le ressaisit. Quand on lui apporta ces nouvelles, il allait dîner ; il écrit sur-le-champ quelques lignes furieuses qui partent comme une invective et vont presque jusqu'aux gros mots :

Ma toujours très chère Clarinda , je fais attendre pour dîner une nombreuse compagnie, pendant que je lis votre lettre et que j'écris ceci. Ne me demandez pas de cesser de vous aimer, de vous adorer, dans mon âme ; cela m'est impossible : votre repos et votre bonheur me sont plus chers que mon âme. Fixez les conditions selon lesquelles vous désirez que je vous voie ; que je corresponde avec vous, et vous les avez. Je ne puis m'empêcher de vous aimer, de m'affliger, de pleurer, de vous adorer en secret : vous ne devez pas me refuser cela. Vous me serez toujours

Chère comme la lumière qui visite ces yeux attristés, Chère comme les gouttes pourpres qui échauffent mon cœur^.

Je n'ai pas la patience de lire ce griffonnage de puritain. iMaudite sophisterie! Vous, Cieux, loi, Dieu de la nature, toi. Sauveur du genre humain, vous contemplez d'en haut, avec des yeux approbateurs, une passion inspirée par la flamme la plus pure, surveillée par la délicatesse et l'honneur ; mais l'âme, haute d'un demi-pouce, d'un pitoyable bigot, presbytérien misérable et froid, ne peut rien pardonner qui soit au-dessus de son cœur de basse fosse et de son cerveau ténébreux.

Adieu, je serai avec vous, demain soir! que votre esprit se tranquillise. Je vous appartiendrai de la façon qui vous semblera la meilleure pour votre bonheur. Je n'ose pas continuer. Je vous aime et je vous aimerai, et , plein d'une confiance joyeuse , je m'approcherai du trône du Juge Tout Puissant des hommes, dédaignant l'écume de la sentimentalité et le brouillard de la sophisterie*.

1 Scott Douglas donne des renseignements sur le Rev. Ivemp, tom. V, p. 86-87.

2 ChamLers, tom. II , p. 222. — Scott Douglas, tom. V, p. 19.

3 Cité imparfaitement de Julius Cœsar, de Shakspeare, act. ii, scène i. />*'V'

4 To Clarinda, Feb. 13tii, nss. ^' I. 23