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11 avait eu le temps de se rajuster au milieu dans lequel Jane reprenait ses attraits et toute sa grâce villageoise. Il écrivait en effet, à son ami Brown, une lettre qui contraste avec celles qu'il avait écrites quelques jours auparavant. Il faut passer par-dessus ce que la forme peut avoir d'un peu choquant, dans ses comparaisons maritimes et en dégager le sentiment qui s'y dissimule :

« J'ai trouvé Jane avec sa cargaison bien arrimée ; mais, malheureusement, tians un mouillage presque à la merci du vent et de la marée. Je l'ai remorquée dans un port commode où elle peut rester tranquillement à l'ancre, jusqu'à ce qu'elle opère son déchargement. J'en ai pris le commandement, pas ostensiblement, mais en secret pour quelque temps. Je vous suis reconnaissant de la bonté avec laquelle vous vous informez d'elle, car après tout, je puis dire avec Othello :

Excellente malheureuse, La perdition saisisse mon âme, mais je t'aime i.

Pendant ce temps la correspondance avec Clarinda , au début très fréquente , s'était un peu relâchée. Burns était resté une semaine sans donner de ses nouvelles. Clarinda froissée s'en plaint , non sans un peu de tristesse.

(1 J'ai reçu votre lettre de Cumnock, il y a une heure, et afin de vous montrer mon bon caractère, je m'assieds pour vous écrire aussitôt. Je crains , Sylvander, que vous n'exagériez ma générosité, car, croyez-moi, il s'écoulera quelque temps avant que je puisse cordialement vous pardonner la peine que votre silence m'a causé ! Avez-vous ressenti quelquefois cette douleur de cœur qui provient d'une espérance différée? Cette peine, la plus cruelle de toutes, vous me l'avez infligée pendant les huit jours qui viennent de passer. Je crois |)OUvoir tenir raisonnablement compte de la hâte des affaires et des distractions. Cependant, quelque prise que j'eusse été, j'aurais trouvé une heure sur vingt-quatre pour vous écrire. N'en parlons plus. J'accepte vos excuses, mais je suis blessée qu'il en ait fallu entre nous dans une occasion aussi tendre.^ »

Pour s'excuser, Burns rejette la faute sur les occupations dont il est accablé et sur le formidable accueil qu'il a reçu dans le pays :

« J'ai toujours quelque idée de ne pas m'asseoir pour écrire une lettre, à moins que je n'aie assez de temps et de possession de mes facultés pour faire honneur à une lettre, ce qui à présent est rarement ma situation. Par exemple hier, j'ai dîné chez un ami à quelque distance ; l'ho.spitalité sauvage de ce pays m'a fait passer la plus grande partie de ma nuit en face du breuvage écœurant du bowl. Aujourd'hui, nausées, migraine, tristesse misérable , jeûne , excepté un coup d'eau ou de petite bière. Maintenant, huit heures du soir, à peine capable de me traîner à dix minutes de marche à Maucliliue, pour attendre la po.4e, dans la douce espérance d'avoir des nouvelles de la maîtresse de mon âme. 3 »

^ To Richard Brown, 1^^ March HSS. — La citation est de Shakspeare. Othello^ act. III, scène 3.

2 To Sylvander, March 5^^, \1B8.

3 To Clarinda, ôth March 1788.