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angoisse de tant de pauvres hommes, employés, ouvriers, qui sentent leur réserve d'action décroître, qui traînent, avec des forces diminuées, une vie plus pesante, qui sentent expirer en eux l'espoir, la pensée même de sortir d'une pareille lassitude, et qui marchent toujours. C'est une des plus épouvantables tristesses qui puissent ronger l'âme humaine, une des plus injustes, des plus odieuses, des plus criminelles, des plus exécrables cruautés de la vie, une des infamies du destin.

« Je vous aurais écrit plus tôt, mais je suis tellement bousculé et fatigué par mes affaires de l'Excise que je puis à peine rassembler assez de résolution pour faire l'effort d'écrire à qui que ce soit i . »

« Je suis harassé de fatigue à en mourir. Ces deux ou trois derniers mois je n'ai pas fait moins de 200 milles à cheval par semaine en moyenne. J'ai fait peu de chose en fait de poésie 2. »

« Non ! je ne dirai pas an mot d'apologie ou d'excuse pour ne pas vous avoir écrit. Je suis un pauvre diable de jaugeur, misérable et mandit, condamné à galoper au moins 200 milles toutes les semaines, à inspecter de sales réservoirs et des barils couverts d'écume. Où trouverais-je le temps d'écrire et le moyen d'intéresser qui que ce soit 3. »

Les mêmes allusions reviennent constamment et se continuent.

« C'est à cause de la presse sans trêve de mes occupations que je ne vous ai pas écrit, Madame, depuis longtemps. . . * »

« Après une longue journée de labeur, de tourment et de souci je m'assieds pour vous écrire ^. »

« Pardonnez-moi, mon jadis cher et toujours cher ami, mon semblant de négli- gence. Vous ne pouvez pas, assis chez vous, vous imaginer la vie atïairéeque jemène.... J'ai déposé ma plume d'oie et battu ma cervelle pour y trouver une comparaison ; j'ai pensé à une commère de campagne, un jour de baptême ; à une promise, le jour de marché qui précède son mariage; à un clergyman orthodoxe, le jour de la communion de Paisley; à une putain d'Edimbourg, un samedi soir; à un tavernier, le jour d'un dîner d'élection, etc., etc., mais la comparaison qui flatte le plus ma fantaisie est celle de ce gredin, de ce chenapan de Satan qui, comme nous dit l'Écriture-Sainte, circule çà et là comme un lion rugissant, cherchant, guettant qui il dévorera ^. »

Ce qu'il y avait de plus redoutable pour lui n'étaient pas les fatigues et les tracas qu'il rencontrait dans ses fonctions. On sait à quelles préve- nances et sollicitations sont exposés, surtout dans les campagnes, les employés des services publics. Les compagnons d'Excisé, avec lesquels Burns faisait souvent ses tournées, étaient des hommes qui, pour la plupart, avaient la grossière capacité de boisson de l'époque. Quand ils arrivaient le soir à l'auberge, fatigués et mouillés, on ne connaissait pas

1 To William Burns, IQtii Nov. n89.

2 To Nicol, 9tii Feb. n90.

3 To Peter Hill\ 2nd Feb. 1190.

4 To Mrs Dunlop, 25tU Jan. 1790.

5 To Mrs Dunlop, 8tli Aug. 1790.

6 To Alex. Cunningham, 8tli Aug. n90.