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Le cœur de la pauvre Lizzie bondit presque hors de sou enveloppe , Elle sauta presque à hauteur d'alouette, Mais le pied lui manqua et, dans le ruisseau , Par dessus les oreilles, elle fit paff, Avec un plongeon, cette nuit-là i.

La scène se termine par de joyeuses chansons, des causeries amicales, des histoires amusantes, des farces risibles, on sert de grossiers gâteaux, qui mettent toutes les mâchoires en mouvement; on prend un verre de whiskey ; puis on se sépare et on entend les rires se disperser dans la nuit. Ce qu'il est impossible de rendre, c'est l'animation et l'agilité de cette pièce. Pas un vers n'est tranquille. Les strophes bondissent, elles touchent à peine terre qu'elles prennent un nouvel élan ; les traits de mouvement y foisonnent et s'y heurtent ; ils y sont tous. On en pourrait faire une pantomime anglaise, pleine de gestes, d'ébats, de bousculades et de gambades. C'est d'une étonnante gaîté animale. Quelques passages de lyrisme grotesque dans Dickens ont seuls une pareille vitesse.

La pièce célèbre sous le nom de la Foire Sainte est un modèle des mêmes qualités, avec autant de mouvement, et plus de variété dans les scènes. C'est une satire contre ces comnmnions et ces prédications en plein vent, qui étaient alors fréquentes en Ecosse. On dressait sous un auvent une chaire ; les prédicateurs s'y succédaient toute la journée. Les auditeurs venaient en foule de tous les villages des alentours. Des baraques de rafraîchissements se dressaient près de l'endroit choisi. La matinée se passait d'ordinaire avec ordre et bienséance. Mais quand la journée s'avançait, que les libations avaient échauffé les têtes, le champ de prière prenait l'aspect d'un champ de foire. On sortait les provisions, on s'asseyait à terre, on buvait, on riait, tandis que les prédicateurs continuaient à gesticuler et à vociférer, si bien que le retour du soir était terriblement pittoresque. On devine ce que cette donnée a pu devenir entre les mains actives de Burns.

C'est d'abord un charmant paysage matinal , tout brillant de rosée. L'air est frais ; le soleil glorieux apparaît au-dessus des moors ; dans la lumière glissante les lièvres courent le long des sillons, et les alouettes montent dans le ciel. Les routes sont couvertes de monde : ce sont des fermiers en costume de cheval qui chevauchent tranquillement près de leurs paysans ; les jeunes gens, en beau drap neuf, sautent par- dessus les ornières ; les filles, pieds nus, toutes brillantes de soie et d'écarlate, portent dans leurs mouchoirs des provisions pour la journée. Toute cette foule arrive à l'enclos et se heurte au plateau chargé d'un amas de sous. L'ancien , en calotte noire, surveille cette recette « d'un

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