Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/264

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— 240 —

Que la femme ne se plaigne pas

D'inconstance en amour,

Que la femme ne se plaigne pas,

Que l'iiomme infidèle aime à changer.

Voyez par toute la nature, Sa loi puissante veut qu'on change.

Dames, serait-il pas étrange Si l'homme alors était un monstre?

Voyez les vents, voyez les cieux,

La montée de la mer et sa descente ;

Soleil et lune se couchent pour se lever,

Et les saisons tournent, tournent.

Pourquoi vouloir que l'homme chétif

Résiste au plan de la Nature ?

Nous serons constants, tant que nous pourrons,

Vous ne pouvez pas plus, savez-vous ? ^

« Pouvez-vous contraindre la mer à sommeiller tranquillement, le lis à garder sa fraîcheur, le tremble à ne pas frissonner, pouvez-vous con- traindre l'abeille à ne pas voltiger et le col du ramier à ne pas chatoyer, alors vous pourrez contraindre l'amour à durer toujours, » disait un autre poète écossais qui fut presque le contemporain de Burns ^. Ils sont de l'école de ce personnage de Shakspeare, qui prétendait que, comme un clou en chasse un autre, le souvenir de son dernier amour était chassé par un nouveau, et que celui-ci se fondait comme une image de cire près du'feu, ne gardant plus l'empreinte de ce qu'elle était ^. Ce ne sont pas les métaphores qui ont jamais manqué aux poètes pour rendre la fuite continuelle de l'amour. Peut-être ceux-là seraient-ils encore davantage dans le vrai qui diraient des vents et des flots qu'ils sont aussi incons- tants que le cœur humain.

De ce groupe de poésies amoureuses on peut en rapprocher un autre. Ce sont des pièces impersonnelles. Elles ont été inspirées par des senti- ments que Burns n'a pas pu éprouver pour son compte, mais que son esprit, toujours occupé de la même passion, s'est amusé à ressentir. Il y en a toute une série. Ce sont souvent des plaintes de jeunes filles. Elles pleurent l'infidélité, l'exil ou la mort de leur amant. L'une, se promenant un soir d'été, quand les joueurs de cornemuse et les jeunes gens sont en train de jouer, aperçoit son faux ami et s'éloigne en pleurant'. Une autre pense à son matelot qui est au loin : pendant que les troupeaux sont haletants autour d'elle, sous le midi, peut-être est-il à son canon, sous le soleil

1 Let not wornan eer complain.

2 Thomas Campbell. Song : How delicious is Ihe winning.

3 Shakspeare. The Iwo Gentlemen of Verona, act. n, se. 4. ^ As 1 was a-wandering .