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lation, de refuge que dans la religion. Les hommes ne me sont plus rien ; Dieu seul peut encore me sauver, si j’obtiens qu’il me pardonne… Mais une chose m’embarrasse. Parmi tant de religions, que je ne connais pas plus l’une que l’autre, laquelle choisir, laquelle est la meilleure ? comment un homme comme moi peut-il en un instant se décider sur un objet si important, sans craindre de se tromper ? »

« Vos momens sont courts et précieux, » dit le jeune prêtre, « et vous êtes bien ignorant dans la science du salut ! comme prêtre catholique, et d’après mes propres convictions, je dois vous dire, en face de Dieu et des hommes que je prends en témoignage de ma sincérité, et suivant les paroles des fondateurs du christianisme, que hors de l’église catholique, apostolique et romaine, il n’y a pas de salut ! Mais comme je vous l’ai dit, vos momens sont courts et précieux ! je pourrais vous prouver chacun des dogmes de notre religion ; mais en avez-vous le temps ? Le Seigneur n’a pas dit : discutez et prouvez, mais croyez et priez. Ce n’est point avec les subtilités contentieuses de l’esprit qu’il faut marcher dans la voie du salut, mais avec un cœur humble, soumis et plein de foi. Et la foi ! c’est une grâce qui s’obtient du ciel, quand on la demande avec ferveur, et qu’on lui fait le sacrifice pénible de ses passions, de son orgueil et de ses pensées ! Si donc vous voulez vous jeter dans les bras de la religion catholique, dites-le, et je me dévouerai tout entier à votre conversion ; je ferai passer dans votre âme les douces consolations de l’évangile ; peut-être que les paroles du Sauveur vous attendriront, et que l’exemple de sa vie vous inspirera l’horreur du péché. Ne désespérez pas ; car la religion chrétienne, est une religion d’amour, de charité et de compassion. Elle verse également le baume de ses consolations dans des hôpitaux et dans les prisons, dans la cabane du pauvre et dans les palais des riches, sur les sollicitudes de l’homme vertueux et sur les remords du pécheur converti. Vos crimes sont grands, sans doute ; mais Dieu est plein de miséricorde : croyez, pleurez et priez, et son cœur vous est ouvert ! »

Ces paroles, prononcées avec une onction ineffable, avaient presque ému le condamné, et il s’écria avec cet accent de douleur, de repentir passager, auquel il n’est pas donné aux plus grands scélérats de se soustraire :

— « C’en est fait, je me jette, sans plus tarder, dans les bras de la miséricorde divine ; je déplore mes crimes, et j’en demande sincèrement le pardon ; mais le temps est si court ! N’y aurait-il aucun moyen d’obtenir que le jour de l’exécution soit retardé ? Si des personnes influentes et vertueuses s’intéressaient pour moi… Mais non, la justice humaine qui me condamne ne m’accorde pas même le temps du repentir… Croyez-vous qu’il serait inutile de faire une requête ? »