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LOUIS BOUILHET

avec quelques amis et ne chassait le vieux comte. Resté seul avec le prince, Poltrot lui reproche ses profanes amours. La comtesse n’est qu’un instrument de trahison. N’est-il pas impie de sacrifier tout, ses amis, sa religion et soi même à cette femme qui n’a voulu que lui tendre un piège ? Condé répond qu’il est sûr de la loyauté de Mme  de Brisson, et il retourne à la Cour avec son frère Antoine sur les assurances de protection envoyées par la reine-mère. Outré de cette hardiesse, et conseillé par Guise, François II fait arrêter le prince de Condé, à la stupéfaction douloureuse de Mme  de Brisson. Condé croit voir l’indice d’une trahison et pense que Poltrot a deviné juste. C’est un piège que la comtesse a aidé à lui tendre. Il attend la mort. Cependant une femme voilée a pénétré dans la prison au nom de la reine-mère. C’est la comtesse qui, devinant les soupçons de trahison qui hantent l’esprit de Condé, veut le convaincre de son innocence. Elle n’a guère de peine à se justifier près de lui. Elle qui donnerait sa vie pour lui, comment aurait-elle pu servir d’instrument à ses ennemis et l’attirer dans un piège ? Son amour contenu jusqu’alors éclate avec une passion que vient redoubler l’idée d’une mort prochaine. Ne voulant pas survivre à celui qu’elle aime, elle a pris la moitié du poison qu’elle lui apporte. Condé refuse le poison. Il doit mourir aux yeux de la foule, en prince, et sans faiblesse. En attendant, il veut consacrer à l’amour le peu d’heures qui lui restent à vivre. Il serre la comtesse sur son cœur. À cet instant, la porte de la prison s’ouvre. Le Roi est mort, et Catherine de Médicis vient annoncer au prince qu’il est libre. Trop tard, hélas ! car la pauvre comtesse tombe mourante entre ses bras sous l’œil jaloux du vieux comte de Brisson.

Cette double analyse permet de voir tous les défauts du procédé de composition employé par Louis Bouilhet. Il l’exposait à sacrifier l’Histoire aux nécessités de