Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de sa conversation, et furent-elles tentées d’attribuer aux manèges d’une coquette ce qui n’était dû qu’à une très naturelle et très innocente vanité. Mme Milford qui connut Jane Austen, alors qu’elle était une fillette d’une dizaine d’années, parla d’elle plus tard comme de la coquette la plus délicieusement jolie, la plus sotte, la plus minaudière et la plus acharnée à la chasse au mari qui fut jamais ».[1] Malgré cette appréciation dénuée de toute aménité, il ne paraît pas que Jane Austen ait jamais cherché à se procurer par le mariage une situation brillante, ni qu’elle ait envisagé la possibilité d’une union où l’intérêt compterait pour beaucoup et l’amour pour rien ou peu de chose. Nous verrons plus loin que l’honnêteté scrupuleuse et la fierté de Jane Austen se refusaient à de tels calculs. Une lettre où elle fait une brève allusion à un ami de Mme Lefroy « qui aurait été enchanté d’une occasion de continuer ses relations avec la famille Austen dans l’espoir d’arriver à s’y créer des sympathies plus directes, et qui regrette d’être appelé loin du Hampshire », ne contient point d’autre commentaire que ces quelques mots : « Voilà qui est parler d’une façon sensée. Il y a dans ces regrets moins d’amour et plus de bon sens que je n’en avais cru voir il y a quelque temps. Tout ira bien et finira raisonnablement. Il n’est pas probable qu’il revienne dans le Hampshire à Noël et notre indifférence sera sans doute bientôt réciproque, à moins que son estime née, il me semble, du fait qu’il ne savait rien de moi, s’augmente à ne jamais me rencontrer ».[2] Quatorze ans plus tard, en écrivant un jour à un de ses frères, elle lui parla de cet ami de Mme Lefroy qui avait espéré en vain gagner sa sympathie. La lettre de 1813 ne permet pas de soupçonner que Jane ait jamais regretté sa froideur à l’égard du jeune homme qu’elle avait jadis connu à Steventon. « Avez-vous vu dans les journaux la nouvelle du

  1. Life and letters of Mary Russell Milford. Lettre à Sir William Elford. 3 avril 1815.
  2. Lettres. 17 novembre 1798.