Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Le long intervalle qui sépara la composition de ce premier ouvrage du moment où il fut publié permit à Jane Austen d’examiner son œuvre avec détachement et impartialité. Une lettre écrite en février 1813, c’est-à-dire quelques jours avant la publication d’ « Orgueil et Parti pris » et peu de temps après la révision définitive de son manuscrit, renferme une curieuse appréciation des mérites et des défauts du roman qui allait enfin être donné au public par l’auteur de « Bon Sens et Sentimentalité ». [1] Avec le même sens critique et la même finesse qui lui servent à étudier les caractères, elle signale les qualités de son premier roman et les seuls défauts que l’analyse la plus minutieuse ait réussi depuis à y relever. « En somme, je suis bien assez fière et bien assez satisfaite. Mais l’ouvrage a trop de légèreté, de brillant et d’éclat. Il y manque des ombres. Il faudrait l’étoffer en plusieurs endroits en y ajoutant un long chapitre sérieux, si je pouvais écrire quelque chose de ce genre, ou à défaut de cela, un chapitre ridicule, très pompeux et très alambiqué sur un sujet qui n’ait aucun rapport avec le récit : un essai sur l’art d’écrire, une critique sur Walter Scott ou sur l’histoire de Bonaparte, ou sur quoi que ce soit qui contraste avec le reste et ramène le lecteur avec un plaisir plus grand au badinage et au tour épigrammatique du style ». [2]

Ce jugement est d’un auteur doublé d’un critique avisé. En effet, ce délicieux roman où l’esprit pétille comme un vin léger est peut-être trop uniformément brillant. Les réparties spirituelles, les remarques humoristiques qu’on trouve à chaque page, gagneraient à être mises en valeur par quelques passages d’un ton plus grave, d’une allure moins rapide. Si fine et si délicate que soit l’étude des caractères,elle produit une impression, sinon de monotonie

  1. La première page du livre dans l’édition de 1813, porte ces mots « Pride and Prejudice ». A Novel in three volumes, by the author of « Sense and Sensibility ».
  2. Lettres. Février 1813.