Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/236

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Un mois et demi après avoir parlé à Cassandre du morceau de terrain ajouté au jardin, elle ne parle plus que de Bath et sur le ton le plus enjoué. « Ma mère espère que nous aurons deux servantes ; mon père est le seul à n’être pas dans le secret. Nous nous proposons d’avoir une cuisinière sérieuse et une jeune fille écervelée ainsi qu’un valet respectable et d’âge mûr qui remplira la double fonction de mari de la première et d’amoureux de la seconde ». [1] Elle discute aussi la question du quartier et des rues où la famille pourrait trouver une maison bien située. En annonçant à Cassandre que le moment du départ dépend de la réponse que leur tante, Mme Leigh-Perrot, va faire à Mme Austen, Jane avoue à sa sœur combien elle sera désappointée si Mme Leigh-Perrot n’invite pas ses nièces à s’installer chez elle avant de louer une maison. « Je ne sais pas ce que je ferai s’il faut renoncer à notre projet d’aller toutes les deux à Bath en mai », lui dit-elle le plus sérieusement du monde. D’ailleurs, à quoi bon retarder le départ ? Avec cette remarquable économie d’émotions qui la caractérise, elle se donne sans arrière-pensée, bien plus, avec joie, à la satisfaction présente de tout arranger pour la nouvelle installation. « Ma mère a stipulé qu’elle ne voulait pas avoir l’embarras de meubler notre maison à Bath, et je lui ai promis que vous vous chargeriez bien volontiers de tout cela ». Elle donne seulement, d’un cœur déjà étranger, quelques paroles au pays qu’elle va quitter définitivement. Ces paroles montrent assez que, à vingt-cinq ans, Jane Austen était encore, en ce qui concerne les sentiments, à l’âge ingrat. En petite personne avisée et sage, elle a pesé les avantages matériels du changement, et les trouvant nombreux, ne s’embarrasse pas plus longtemps de considérations sentimentales. « De plus en plus, je m’accommode de l’idée de nous en aller. Nous avons vécu assez longtemps dans le pays : les bals de Basingstoke vont en déclinant, c’est incontestable. Il y

  1. Lettres. 3 janvier 1801.