Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/279

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une personnalilé bien distincte. Je crois qu’elle inventait ses contes à mesure et son récit se prolongeait souvent pendant deux ou trois jours ». [1]

Lorsque des amis venaient à Godmersham Park, elle aidait sa nièce Fanny à les recevoir et accompagnait la jeune fille dans ses visites à des voisins de campagne. Ce nouveau rôle ne laissait pas de lui paraître agréable. « Comme il faut bien que je cesse d’être une jeune personne, je trouve maintes douceurs à devenir quelque chose comme un chaperon. On m’installe sur le canapé près du feu et je bois autant de vin qu’il me plaît ». Elle écrit un autre jour : « J’ai abandonné ma lettre en grande hâte, pour me préparer à faire des visites dans la matinée. Naturellement, j’ai été prête la première et n’aurais pas eu besoin de tant me presser. Fanny avait mis sa robe et son chapeau neufs. Ces dames étaient chez elles. J’étais en fortune, car j’ai vu Lady Fagg et ses cinq filles, ainsi qu’une vieille Mme Hamilton… et Mme et Miss Chapman de Margate par-dessus le marché. Je n’ai jamais vu une famille où l’on soit si laid ; cinq filles d’une laideur !… Miss Sally Fagg a une jolie taille et c’est à cela que se réduit toute la beauté de la famille. La visite a été plutôt ennuyeuse. Fanny s’en est très bien tirée, mais il y avait disette de conversation et les trois amies de la maison sont restées dans la pièce à nous regarder. Cependant, Miss Chapman jouit du nom de Laura et porte une robe à double volant. Il faudra que vous vous décidiez à faire mettre des volants à vos robes… » Pour être devenue moins moqueuse, Jane Austen n’a rien perdu de son humour et brosse en quelques traits une amusante scène d’intérieur, mais elle a appris à admirer et à louer spontanément et plus généreusement. La jolie Miss Austen des bals de Steventon et de Hasingstoke n’aurait pas su dire à propos d’une jeune personne rencontrée chez des amis : « J’admire la sagesse et le goût de Charlotte Williams. Ses grands yeux

  1. Memoir of Jane Austen. Page 86.