Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/284

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dureté, où une plus sûre connaissance de la vie et des hommes donne à la présentation des faits comme à l’étude des caractères une maîtrise à laquelle l’auteur n’avait pas encore atteint.

La peinture de la vie de famille avec sa sécurité, ses affections paisibles et profondes, revêt dans ce nouveau roman un charme unique. En même temps que nous voyons l’influence d’un milieu un peu grave, mais tout d’honnêteté et de dignité, sur une nature comme celle de Fanny, l’auteur nous montre dans Maria et Julia Bertram, la résistance à cette même et bienfaisante influence. Mais si le château de Mansfield est isolé du monde, si ses habitants jouissent un peu jalousement de la paix, de l’existence heureuse et large qu’ils goûtent, Mr. Henry Crawford et sa sœur apportent chez les Bertram un élément emprunté à un monde différent. À la gravité des manières, au respect des traditions, au sérieux de la pensée et des goûts que le châtelain de Mansfield prétend imposer à son entourage, les jeunes Crawford viennent opposer l’amour du plaisir, la recherche égoïste de toutes les satisfactions, la frivolité, l’élégance de la vie mondaine. Avec eux apparaît encore l’amour du luxe et de l’intrigue que la société de Londres connaît seule à cette époque, alors que, dans ses châteaux, la noblesse de province ne conçoit rien au delà de la monotone répétition des mêmes occupations et des mêmes innocents et fades divertissements.

À ce contraste s’en ajoute un autre. D’un côté, Fanny et Edmond, élevés dans l’aisance, entourés des mêmes soins que les autres jeunes habitants du château, sont soumis de bonne heure au respect de la discipline et habitués à ne pas considérer uniquement et toujours leur propre inclination. Fanny est une nièce élevée par charité ; elle doit obéir à tous. Ce qu’elle veut ne compte pour rien si quelqu’un souhaite ou désire une chose différente. Edmond est bien le fils de la maison, mais il n’est pas l’aîné, et dès l’enfance on lui a appris à céder