Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/331

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sourds grondements du tonnerre, lueurs fulgurantes de l’orage, tout conspire à rendre plus terribles les spectacles d’horreur évoqués par Mrs. Radcliffe et ses nombreux imitateurs. Dans les plus célèbres romans du genre fantastique : « Les Mystères d’Udolpho » de Mrs. Radcliffe (1794), « Le Moine » de Matthew Gregory Lewis (1795), « Caleb Williams » (1794) et « Saint Léon » (1799) de Godwin, comme dans les deux romans aujourd’hui presque oubliés de Shelley : « Zastrozzi » (1811), « Saint Irvyne ou le Rose-Croix » (1811) et dans le terrifiant « Frankenstein » (1818) de Mary Shelley, le récit et l’atmosphère sont tout, l’étude psychologique est complètement négligée. Le romancier cherche à terrifier et à dépasser l’imagination de ses lecteurs. Par delà la réalité, il invente des êtres et des situations destinés à exciter l’angoisse que produisent le mystère et le surnaturel. L’héroïne telle que le roman de Miss Burney l’avait révélée, cette figure vivante, simple et vraie, cède alors la place au héros. Dans les mystérieuses aventures narrées par Mrs. Radcliffe, c’est le héros, sombre et fatal, chargé de crimes et parfois de remords qui devient le personnage principal.

Pendant une vingtaine d’années, le sentimentalisme et le romantisme, unis dans le roman fantastique, règnent sans conteste elle réalisme subit un temps d’arrêt qui ressemble à un échec. Les bandits italiens, les proscrits de la Forêt-Noire, les inquisiteurs, les mages et les nécromants, placés dans un décor pittoresque et lointain, presque toujours d’une beauté singulière et émouvante, captivent alors le public. Mais les excès de l’imagination à la recherche de terreurs nouvelles, de crimes inouïs ou d’inventions diaboliques ne pouvaient se prolonger. Le roman fantastique de Mrs. Radcliffe, génial et suggestif malgré ses faiblesses, devint bientôt quelque chose de mécanique et d’absurde aux mains de ceux qui imitaient ses procédés sans jamais atteindre à sa valeur. Le bon sens et l’amour du vrai, l’observation de la réalité, voisine et familière, mais douce et infiniment variée, l’étude de caractères moyens, de