Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/348

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sur la vie et les occupations des « squires ». Mais, ainsi qu’on l’a souvent remarqué, l’œuvre de Jane Austen ne contient pas une seule de ces conversations. L’auteur ne nous fait voir de la vie masculine, dans le milieu de la « gentry » provinciale, que ce qu’elle-même ou n’importe laquelle de ses héroïnes peut en connaître. S’il existe, par-delà les barrières du parc ou les limites du domaine, un monde plus vaste et plus complexe, où des hommes moins favorisés que les « squires » exercent des professions variées et travaillent à gagner argent ou renommée, où même un Sir Thomas Bertram remplit ses devoirs de député aux Communes, il n’entre dans le cadre d’aucun roman. Bien plus, l’existence de ce monde est presque ignorée, son influence ne trouble pas la quiétude des châteaux cachés derrière leurs futaies séculaires. À peine apercevons-nous, dans « Emma », la silhouette de Mr. John Knightley, avocat de talent exerçant à Londres sa profession tandis que son frère aîné gouverne le domaine de famille. Bâtis pour abriter le loisir et l’aristocratique isolement d’une classe privilégiée, ces châteaux ne sauraient donner asile à de mesquins soucis matériels, à d’autres occupations que les fatigues de la chasse ou les plaisirs de l’hospitalité. La richesse satisfaite et sûre d’elle-même, l’orgueil aristocratique qui ne veut être humilié par la vue de rien d’inférieur à son propre degré de perfection se sont créé un inviolable asile dans ces demeures héréditaires telles que le château de Mansfield, Kellynch Hall, ou ce somptueux Pemberley House dont une page d’« Orgueil et Parti pris » évoque la beauté : « Le parc était immense et son terrain était agréablement varié. Ils y pénétrèrent par une de ses parties les moins élevées et traversèrent en voiture une belle forêt déployée sur une vaste étendue. Pendant un demi-mille, ils s’élevèrent et se trouvèrent au sommet d’un monticule ; là se terminait la forêt et l’œil apercevait au même instant le château de Pemberlev, situé de l’autre côté de la vallée où la route descendait par des détours assez rapides.