Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/360

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qui sépare, en ce qui concerne l’importance de la religion dans la vie, la dernière génération du xviiie siècle de celle qui la suivit immédiatement. À plusieurs reprises, au cours de l’interminable récit des aventures où se révèlent la vertu et la piété de tous les membres de l’incomparable famille Fairchild, la froideur, le formalisme de la doctrine de l’enseignement anglican jusqu’au début du xixe siècle, sont opposés à la foi sincère, à la pieuse ferveur — poussées d’ailleurs à un point qui nous semble aujourd’hui déplorable — qu’avait fait refleurir l’esprit évangélique. Au contraire, les personnages de ses romans et Jane Austen elle-même, sont d’une époque qui ne connaît rien de l’émotion religieuse et pour laquelle le fait d’appartenir à l’Église établie, de se conformer à ses rites, et de participer à ses sacrements, est un fait de même ordre que celui d’observer les règles de la bienséance mondaine. Dans le monde des Bertram, des Bennet, des Elton, la religion est toujours fonction de l’ordre politique et social. Sa valeur est purement extérieure; elle semble consister pour un clergyman en un sermon par semaine — quoi qu’en dise Sir Thomas Bertram, — et pour ses paroissiens, en une visite d’une heure à l’église pour écouter ce même sermon. On ne lit pas beaucoup à Mansfield, à Longbourne ou à Hartfiield, les inutiles occupations de la journée n’en laissent pas le loisir, mais on aime parfois, aux veillées d’hiver en famille, écouter la lecture à haute voix de quelques pages de Shakespeare. Lorsqu’il pleut, Catherine Morland se réjouit d’être retenue à la maison et de pouvoir lire, sans être interrompue au moment le plus pathétique, quelque livre du genre des « Mystères d’Udolpho » ; Harriet Smith, quand elle comprend l’importance de la culture et d’une pensée élevée au-dessus de tout souci frivole, ouvre un livre de morceaux choisis pour y trouver des charades en vers ; sur le bureau de Fanny Price, Edmond Bertram trouve les « Contes » de Crabbe et les « Voyages » de Lord Macartney. Un livre cependant n’est jamais mentionné : la Bible, et cette