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omission est plus significative que la plupart des critiques ne veulent l’accorder. Dans un milieu anglais où la religion est un sujet qu’aucune conversation n’effleure à l’exception des deux scènes du « Château de Mansfield » où l’on discute de l’exemple que doit donner un clergynman dans sa paroisse et de la nécessité d’une bonne diction chez un prédicateur, — le sentiment religieux ne peut être ni vif ni profond. On a dit, il est vrai, pour expliquer le silence observé dans les romans de Jane Austen sur tout ce qui touche au sentiment religieux que, pour l’auteur comme pour ses personnages, la religion est une chose si haute et si sacrée qu’elle ne saurait être mêlée ni à la vie de tous les jours ni à la conversation familière. Si cet argument avait quelque valeur et qu’on pût tirer du silence de Jane Austen une preuve de la profondeur du sentiment religieux chez elle et dans le milieu qu’elle étudie, ne faudrait-il pas conclure également de l’absence dans son œuvre de toute réflexion ayant une portée philosophique à l’existence dans son esprit d’une profonde philosophie ? Plutôt que d’arriver à de telles conclusions, il vaut mieux se borner à constater un fait qui d’ailleurs n’est point sans intérêt : le respect avec lequel on parle des coutumes auxquelles les générations précédentes, encore dominées par la vieille tradition religieuse, attachaient un sens qu’on n’y attache plus à la fin du xviiie siècle. La chapelle du château de Sotherton « était ouverte autrefois matin et soir, et certaines personnes se souviennent d’avoir entendu le chapelain y réciter les prières devant la famille assemblée, mais feu Mr. Rushworth a abandonné cet usage », raconte Mme Rushworth à ses visiteurs. Le changement passerait sans commentaires, n’était que Miss Crawford, entraînée par son goût de persiflage, se permet de parler légèrement d’une coutume que personne ne suit plus, mais dont personne cependant n’a le droit de se moquer. La vie et l’esprit se sont, à dire vrai, retirés de toutes les pratiques religieuses. Ce qui demeure encore et que tous respectent, n’est qu’une forme, un rite dont la signi-