Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/369

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sans pouvoir cependant éprouver une vive reconnaissance envers son cousin ni saisir nettement la distinction qu’il semblait établir entre l’égoïsme d’une autre personne et celui de Thomas Bertram. — Voilà, ma foi, ce qui s’appelle régenter les gens, s’écria-t-il, indigné, comme ils s’éloignaient. Vouloir me clouer à une table de jeu pendant deux heures !… Et me le demander de cette façon, sans cérémonie, devant tout le monde, pour que je ne puisse pas refuser !… Si je n’avais pas eu l’heureuse idée de me lever et de dire que je dansais avec vous, je n’aurais pas pu me tirer d’embarras ». [1]

Jugeant la vie et les hommes à un point de vue exclusivement féminin, Jane Austen ne nous donne sur les occupations de ses « squires » ou de ses pasteurs que les indications nécessaires pour nous faire comprendre comment, s’ils sont d’âge à faire figure d’amoureux, ils peuvent être de loisir à toutes les heures de la journée pour se rendre à un pique-nique, à une promenade ou à un bal. Riches et oisifs comme presque tous les hommes qu’elle connaît, ses héros ne sauraient donner à leur vie de meilleur but que de passer le plus d’heures possible auprès de celles qu’ils recherchent en mariage, et qui — à moins d’un sort bien contraire — deviendra leur femme à la fin du récit. L’auteur étudiant leur caractère et leur personnalité au moment où l’influence féminine a le plus de pouvoir sur eux, au moment où le champ de leur activité tend à se resserrer dans les limites que ne dépasse jamais la vie féminine du temps, nous voyons les amoureux sous un seul aspect, celui-là même sous lequel ils apparaissent aux yeux de l’héroïne, qu’elle soit Emma, Elizabeth, Anne ou Fanny. Mr. Darcy, un des plus riches propriétaires du Yorkshire, le capitaine Wentworth, un des héros qui ont servi sous les ordres de Nelson, Edmond Bertram qui pendant ses années à Oxford et ses séjours à Londres a connu une vie plus large que la vie à Mansfield, tous les hommes

  1. Le Château de Mansfield. Chap. XII.