Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/449

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cation purement formelle. Un des premiers romanciers modernes, qui sait être, en même temps qu’un profond psychologue un critique subtil, appelle réaliste toute œuvre, quelle que soit sa forme, due à un artiste qui étudie la vie, le caractère ou la pensée, « dans le dessein de voir clair en lui-même et d’éclairer les autres ». [1] Tel, en effet, semble être le but que se propose Jane Austen. Elle ne se préoccupe point de la vie en général. Le sort de l’humanité lui est indifférent, elle ne s’en intéresse que plus vivement aux aventures, aux pensées d’un petit nombre d’êtres, et veut révéler dans son étude les motifs qui justifient l’activité de ses personnages aux yeux d’un spectateur raisonnable.

Son besoin de « voir clair » est tel que son étude psychologique aboutit toujours à une explication, à la solution d’une sorte de problème. Elle fait invariablement passer ses personnages de l’erreur, de l’ignorance ou du doute à la vérité, à la connaissance et à la certitude. Devant le monde extérieur, son attitude, comme celle de tout artiste épris de réalité, est également active. Car, s’il est un mode du réalisme qui consiste seulement à reproduire ce qu’on a vu « en se mettant à la fenêtre », il en est un autre qui, tout en demeurant fidèle à la réalité, ne s’accommode pas d’une transposition immédiate de la vie à la littérature. Tel que l’avaient conçu De Foë, Fielding et Miss Burney, le réalisme du roman anglais était tempéré, d’un côté par une conception de moralité très nette, sinon très stricte, et de l’autre, par le fait que les écrivains avaient toujours peint les mœurs et la société contemporaines. Trop peu de temps et une réaction trop forte, séparaient les romanciers du xviiie siècle des auteurs qui, sous la Restauration, avaient mis leurs contemporains au pilori en de longs et fielleux récits d’aventures, dont la forme était empruntée au « Grand Cyrus » ou à « Clélie ». Le roman à clé, devenu aux mains

  1. John Galsworthy. The Inn of Tranquillity. (Vague thoughts on art) London. 1912.